En hommage aux blessés de la maison Athos de Cambes, une œuvre triptyque retraçant le projet commun de réhabilitation de blessés de la maison Athos à l’initiative du MC Renaud Bessellere clôturait l’exposition « MEDICS à travers les guerres », au Conseil Régional de Nouvelle Aquitaine. Cette œuvre retrace la chronologie de reconstruction d’une ancienne vedette militaire, au chantier Tramasset, l’un des nombreux projets de réhabilitation des blessés sous l’égide de la Maison Athos de Cambes.
Voici son histoire racontée par Renaud Bessellere.
« Le Pen Men a été construit en 1965 par la Direction des Constructions et Armes Navales (DCAN) de Cherbourg. C’est une vedette de 9 mètres de long et 2m60 de large, motorisée par un incroyable moteur Hispano-Suiza Bugatti de 7 litres ! Comme tous les LCPS (Landing Craft Personnal Ship) construits sur le même modèle par la DCAN, il a servi dans la Marine Nationale jusqu’à sa vente par les Domaines à l’issue de son retrait du service actif. On trouvait ce type d’embarcation sur des bâtiments comme le croiseur Colbert ou le porte avion Foch, ou dans les ports militaires comme bateau de servitude.
Mon oncle avait racheté ce bateau en seconde main, en assez mauvais état. Il l’avait transformé en bateau de pêche avec le chantier naval Arch’Anot de l’Ile de Groix, juste en face de Lorient. Réhabiliter ce bateau était la seule chose que mon oncle pouvait alors faire pour tenir un peu à distance son insondable douleur après la mort par suicide de son fils de 25 ans.
Puis mon oncle a voulu se défaire du Pen Men au début des années 2000, certainement pour passer à autre chose. Pour moi, ce bateau était lié à mon oncle et mon cousin germain de dix ans mon cadet, Mathias, alors je l’ai racheté à mon oncle et il a été transporté par camion à Capbreton.
Le Pen Men a ainsi vu grandir mes trois enfants pendant une vingtaine d’années, un peu en mer devant Capbreton et beaucoup plus souvent à quai et sur la zone technique pour ses différents carénages traditionnellement entrepris aux vacances de Pâques en famille.
Puis avec le temps, une grosse charge de travail, et quelques difficultés personnelles, j’ai mal entretenu le Pen Men et il a dû être sorti du port de Capbreton fin 2019 pour ne pas sombrer.
Le Pen Men a alors stationné plusieurs mois sur la zone technique du Port de Capbreton, juste devant l’épave du Chipiron, glorieux bateau de Capbreton, construit des mains du grand-père d’un incroyable « dentiste-pêcheur » avec ses petits-enfants. L’étrave du Chipiron était faite d’une grosse planche de chêne arrachée par les tempêtes de l’hiver à la célèbre estacade de Capbreton, seul port des Landes après le bassin d’Arcachon.
On m’a suggéré de faire détruire le Pen Men en même temps que le Chipiron qui était promis à ce sort, mais pour les raisons sentimentales qui m’avaient poussées à l’acheter à mon oncle, le souvenir des heures passées dessus ou dessous avec mes enfants et la culpabilité de l’avoir négligé, je n’ai pu m’y résoudre et j’ai recherché activement une autre solution.
J’ai eu l’idée que, puisque ce bateau avait déjà aidé mon oncle dans son propre « retour à la vie » après son drame, une nouvelle réhabilitation du Pen Men pourrait être entreprise avec des blessés psychiques de guerre et qu’un tel chantier leur serait autant bénéfique qu’à moi-même et au Pen Men.
Le chantier Tramasset sur les bords de Garonne, à Le Tourne, un peu en amont de Bordeaux a accepté d’accueillir le Pen Men, et il y a été convoyé le 10 mars 2020, juste quelques jours avant le premier confinement.
Beaucoup plus de temps que je ne le pensais au départ a passé depuis son arrivée au Tramasset, mais un petit miracle a eu lieu … Plusieurs mois après l’arrivée du Pen Men au chantier Tramasset et sans aucun rapport avec mon projet, la première des maison Athos est venue s’installer à Cambes, à quelques kilomètres à peine du chantier Tramasset ! Un second petit miracle a fait qu’un des accompagnateurs de la Maison Athos de Cambes est un charpentier passionné de bateaux qui a été initié à la charpente de Marine au chantier Tramasset et a entendu parler là-bas de ce bateau qui cherchait son chemin de réhabilitation.
Ce charpentier m’a un jour téléphoné, je suis allé découvrir la Maison Athos de Cambes, et en prenant tout le temps nécessaire à tout le monde, est né un très beau projet de réhabilitation du Pen Men par les membres volontaires de la Maison Athos accompagnés par le charpentier de marine du Tramasset. Une convention a ainsi été signée le 14 juillet 2021 avec la Maison ATHOS de Cambes et le chantier Tramasset pour la restauration du Pen Men avec les membres de la Maison Athos de Cambes qui le souhaitent.
Les travaux sont prévus par tranches tout au long du premier semestre 2023 avec l’objectif d’une remise à l’eau début juillet pour le grand événement annuel du chantier Tramasset : la Rencontre des Bateaux en Bois et Autres Instruments à Vent.
Ensuite, le projet est de faire naviguer le Pen Men sur l’estuaire de la Gironde avec les membres d’Athos dont deux ont déjà passé leur permis bateau à cette fin.
Je suis très heureux aujourd’hui de vous faire part de ce nouveau projet d’usage du Pen Men, qui sera sa troisième vie depuis son retrait du service actif au sein de la Marine Nationale ».